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François Fontaine*, Julien Martin et Isabelle Méjean

Dans quelle mesure un producteur peut-il vendre le même bien mais à des prix différents à plusieurs acheteurs ? Cette question, en apparence banale, interroge pourtant la représentation que se font les économistes du fonctionnement des marchés. Dans un environnement où la compétition est féroce, il est difficile pour un vendeur de varier ses prix selon les acheteurs car ceux-ci peuvent faire jouer la concurrence. Dans la réalité, les acheteurs ont souvent des informations limitées sur les alternatives existantes et on observe dans de nombreux marchés des différences de prix importantes pour des biens identiques. C’est la manifestation d’un « pouvoir de marché » des producteurs.

Dans cet article, François Fontaine, Julien Martin et Isabelle Méjean s’intéressent à cette question en étudiant les biens échangés entre les producteurs français et leurs clients européens, à partir de données de douanes couvrant 9000 produits sur la période 2002-2016. Grâce à ces données, ils observent à la fois des clients changer de fournisseurs et des exportateurs acquérir et perdre de nouveaux clients. Le cœur de leur analyse décrit les prix de biens à partir de plusieurs éléments. L’un prend en compte que certains produits sont toujours plus coûteux que d’autres. L’autre que certains exportateurs vendent souvent le bien considéré moins cher que leurs concurrents, soit parce qu’ils sont plus efficaces pour produire, soit parce qu’ils vendent une variété de ce bien un peu différente. Un troisième matérialise le fait que certains acheteurs ont des préférences marquées pour certains biens et sont donc prêts à payer plus cher. Enfin, les auteurs prennent en compte l’ancienneté de la relation entre l’acheteur et l’exportateur.

Les résultats obtenus montrent l’importance de la « discrimination par les prix ». Certes les différences de prix observées proviennent en partie de l’existence de différentes variétés pour un même produit, mais aussi du fait que les exportateurs appliquent des marges très différentes en fonction de leurs clients. Par ailleurs, celles-ci sont généralement élevées au début de la relation mais diminuent petit à petit, à mesure que l’importateur acquiert de l’information sur d’autres producteurs concurrents. En outre, les producteurs détenant le plus de parts de marché, en termes de vente, sont ceux qui appliquent les taux de marge les plus élevés à l’entrée et qui révisent le moins à la baisse leurs prix : leur « pouvoir de marché » est particulièrement élevé. Ces premiers éclairages ouvrent la voie à une réflexion plus large sur la manière dont l’existence de coûts de transaction et l’imperfection de l’information façonnent le commerce international.

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Références

Titre original de l’article : Price discrimination within and across EMU markets : Evidence from French exporters

Publié dans : Journal of International Economics, Volume 124, May 2020, 103300

Disponible via : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022199620300192

Crédits visuel : Halfpoint – Shutterstock

* Chercheur PSE