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Economie Urbaine, Histoire et Société : description

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Objectifs et axes de recherche

L’étude des questions urbaines est en plein essor depuis les 10 dernières années, et la frontière de la connaissance est repoussée à une vitesse croissante, notamment du fait de l’exploitation de nouvelles sources de données géolocalisées et des méthodes qui y sont associées. Deux dimensions apparaissent particulièrement prometteuses pour contribuer à faire avancer le domaine : la dimension historique et la dimension sociétale, ainsi que leur interaction. Ces dimensions se trouvent à la croisée de plusieurs disciplines, notamment l’économie, l’histoire, la sociologie et la géographie.

La dimension historique, d’une part, permet de se doter du recul suffisant pour mieux comprendre la formation des villes, les gains statiques et dynamiques engendrés par leurs économies d’agglomération, ainsi que les coûts engendrés par l’urbanisation massive (en matière d’environnement, de logement, de ségrégation ou de pandémie). Ainsi, certains projets menés par des historiens visent à numériser des archives permettant de rendre compte de la localisation de la population et de la structure de l’activité locale depuis le 14ème siècle pour certains pays, à une échelle très locale[1]. De même, la numérisation d’anciennes cartes permet de rendre compte de l’évolution de la structure des villes et des réseaux de transport avec un recul bien plus important que ne le permettent les données actuellement disponibles.

Le projet collaboratif a donc pour premier objectif d’explorer des problématiques urbaines dans une perspective historique avec des données urbaines. Il s’agit notamment ici de permettre des interactions entre les économistes qui ont développé des approches formalisées et empiriques des mécanismes urbains, les historiens qui ont une connaissance profonde des contextes et sources d’époque, et les géographes qui ont enrichi les outils d’analyse des données géolocalisées.

Plus concrètement, ces interactions permettraient d’avancer sur les questions suivantes : Quels sont les mécanismes qui peuvent expliquer le développement et l’étalement urbains ? A quel point existe-t-il de l’inertie due à la persistance du bâti ? Quel rôle ont joué les changements structurels comme l’industrialisation et le passage à une économie de services dans la formation des villes ? Comment peut-on construire des bases de données cohérentes pour étudier le devenir des villes sur plusieurs siècles ?

La dimension sociétale, d’autre part, permet de mieux appréhender les mécanismes qui sous-tendent ces dynamiques urbaines tels que le choix du mode de transport, la décision de localisation, le comportement sur le marché du travail local, ou encore la trajectoire environnementale. Les études urbaines cherchent notamment à mieux comprendre les conséquences économiques, sociales et environnementales de la forme urbaine, des infrastructures, ou encore des politiques publiques locales. A titre d’exemple, les interactions sociales apparaissent comme un élément théorique essentiel reliant ces différents éléments, et sont pourtant encore très peu étudiées, car insuffisamment documentées. En particulier, il est intéressant de s’interroger sur le lien entre interactions sociales et formes urbaines, et sur la façon dont les individus forment leurs choix en environnement urbain. La question environnementale se pose notamment au premier plan puisque ces interactions ont un impact sur notre cadre de vie. Mieux comprendre les interactions entre comportements économiques individuels, environnement et politiques publiques apparaît comme une évolution naturelle et indispensable des travaux urbains.

Le projet collaboratif a donc pour deuxième objectif de développer une collaboration entre des économistes qui étudient les comportements dans un contexte urbain, les sociologues dont les monographies et les enquêtes de terrain fournissent une meilleure connaissance de la réalité des interactions sociales urbaines, et les géographes qui étudient les relations entre la structure sociale et l’organisation de la ville. Il s’agit ainsi d’établir un dialogue sur les méthodes d’investigation des questions urbaines, que celles-ci soient quantitatives ou qualitatives.

 Plus concrètement, ces interactions devraient permettre d’avancer sur les questions suivantes : Comment les réseaux de transport interurbains affectent-ils l’organisation spatiale des activités, la performance des acteurs économiques et les dynamiques urbaines de long terme ? Quel est le rôle joué par les transports et la morphologie intra-urbaine sur les déplacements, les interactions économiques et la pollution locale ? Comment les effets de voisinage conditionnent-t-ils les trajectoires éducatives et professionnelles des résidents des quartiers défavorisés ? Quels sont les effets réels du contrôle des loyers sur les marchés du logement ? Une vision pluridisciplinaire permet certainement de mieux comprendre le “problème des banlieues” et les violences urbaines, les difficultés rencontrées par les politiques publiques pour réduire la fracture sociale ou territoriale (gilets jaunes…).

Les deux dimensions d’intérêt ne doivent pas être considérées de manière distincte. Au contraire, elles se complètent : la profondeur temporelle permise par les données historiques offre en outre la possibilité de mieux étudier la dimension sociétale, et de faire de l’évaluation des politiques publiques à long terme (de la ville, des transports, du logement, du développement durable…). Faire évoluer le champ de la connaissance dans ces deux directions implique de se familiariser avec les techniques d’apprentissage automatique, appliquées non seulement à des bases de données à haute dimension (nouvelles données administratives géocodées, ou encore données moissonnées sur le web), mais également à l’exploitation systématique de manuscrits d’archives ou d’anciennes cartes géographiques. Ce projet prévoit de remplir cet office en permettant l’interaction avec des chercheurs internes et externes à PSE maîtrisant ces méthodes.

Equipe et collaborations envisagées

Le projet, porté par Camille Hémet, a été monté en collaboration avec trois autres chercheurs de PSE s’inscrivant dans le champ de l’économie urbaine : Gabrielle Fack, Laurent Gobillon et Miren Lafourcade.

Avant même le commencement du projet, en septembre 2020, d’autres chercheurs, internes ou externes à PSE s’étaient montré intéressés, et participent de fait régulièrement aux rencontres et activités qui sont décrites dans la section suivante. Cette équipe initiale est largement constituée d’économistes urbains, universitaires ou ayant une activité institutionnelle. D’autres champs de l’économie y sont également représentés, et notamment l’histoire économique. L’équipe inclut en outre des chercheurs en histoire, en sociologie ou en géographie, dont les approches diffèrent de celles des économistes, mais qui partagent des objets ou terrains d’étude et outils méthodologiques communs. Depuis le commencement effectif du projet, d’autres chercheurs, ainsi que des doctorants, sont venus grossir les rangs du groupe, et participent ponctuellement ou plus régulièrement aux réunions, en fonction de leurs intérêts de recherche.

Activités régulières et insertion du projet dans PSE

Ce projet collaboratif est pensé avant tout comme un lieu de réflexion et d’échanges permettant de faire progresser les travaux de recherche de ses participants et de faire émerger de nouvelles idées.

Depuis septembre 2020, l’équipe se réunit de manière régulière à l’occasion d’ateliers organisés toutes les quatre à six semaines. Chaque réunion est consacrée à une thématique définie à l’avance, et préparée par un ou plusieurs membres de l’équipe, ou parfois par un intervenant extérieur dont les apports méthodologiques sont pertinents pour faire avancer la réflexion. Si chaque rencontre permet au chercheur intervenant de présenter son travail, il ne s’agit pas pour autant d’un séminaire classique. Cette présentation a tantôt vocation à développer un point méthodologique précis (présentation d’une nouvelle base de données ou d’une méthode innovante par exemple), tantôt à mettre en évidence les différentes approches utilisées pour aborder une même question dans diverses disciplines. In fine, il s’agit surtout d’initier une discussion entre les participants sur les recherches en cours et d’envisager de nouvelles questions de recherche.

En parallèle, nous organiserons un workshop pluridisciplinaire annuel (au printemps) à l’occasion duquel des chercheurs français ou étrangers seront invités à présenter des travaux à la frontière des questions identifiées lors de nos rencontres. Il est important de souligner que ce projet s’inscrit de diverses façons dans l’environnement de PSE.

Les interactions entre les membres du groupe peuvent d’abord être ponctuellement élargies, en s’appuyant sur le Regional Science and Urban Economics Seminar co-organisé par Laurent Gobillon et Miren Lafourcade. Ce workshop d’une demi-journée rassemble régulièrement à PSE une trentaine de chercheurs en économie régionale et urbaine, qui peuvent ainsi interagir avec les membres du projet collaboratif.

Par ailleurs, le projet permet d’ores et déjà de renforcer les interactions entre le groupe thématique Travail et économie publique (au sein duquel l’économie urbaine est représentée à PSE) et les groupes Histoire économique et sociale et Régulation et environnement notamment.

Retombées attendues

L’activité du groupe formé pour ce projet est mise en valeur sur le site de l’axe Travail et Économie Publique : les supports de présentation utilisés lors de chaque rencontre sont régulièrement mis en ligne, ainsi que les références bibliographiques pluridisciplinaires associées, ou encore des notes d’information sur les bases de données utilisées dans les travaux publiés.

En termes de production scientifique, les échanges avec des chercheurs d’autres disciplines ont vocation à déboucher sur des travaux de recherche commun, à la croisée des diverses disciplines représentées. 

Enfin, et pour répondre à l’objectif de renforcer l’étude des questions urbaines à PSE, une ambition de plus long terme est la formalisation d’un centre de recherche autour de ces questions, sur le modèle du centre François Simiand (lui-même né d’un projet collaboratif PSE).


[1] C’est le cas du Cambridge Group for the History of Population and Social Structure, dont un des projets consiste à cartographier la structure en termes de secteurs d’activités de la population de Grande-Bretagne depuis 1379 (https://www.campop.geog.cam.ac.uk/research/occupations/).